On trouve facilement des témoignages d’entrepreneurs dans beaucoup de secteurs, nous avons décidé d'apporter notre pierre à l'édifice avec nos Chroniques d'entrepreneurs musicaux, dans le cadre du Lareseau. Cette série a pour objectif de mettre en avant le dynamisme et l'innovation du secteur des musiques non-marchandes qui, malgré la complexité économique, ne manque pas d'entrepreneurs motivés aux idées géniales.
Nous avons le plaisir de commencer cette aventure avec Guillaume Benoit, un youtubeur de la musique classique qui se lance professionnellement avec sa chaine Révisons nos Classiques.
Nom : Guillaume Benoit
Âge : 27 ans
Activité : Youtubeur de la Musique
Site : https://revisonsnosclassiques.com
Chaine Youtube : Révisons nos Classiques
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Comment as-tu commencé ton activité de Youtubeur ?
J’ai toujours eu envie de partager ma passion pour le classique et il y avait un créneau à prendre. Tyllou avait déjà ouvert sa chaîne où il analyse les grandes partitions du cinéma, mais personne pour parler de musique classique, je me suis donc lancé avec l’envie de faire oublier aux gens leurs réflexes d’associer les grands tubes de la musique classique uniquement à des oeuvres cinématographiques ou des publicités, voire même des jeux vidéo, plutôt qu’à leurs compositeurs originaux.
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Qu’est ce qu’être Youtubeur de la musique classique ?
C’est avant toute chose une passion et un choix assumé de s’adresser à un public de niche. Avec un tel sujet, difficile de faire des millions de vues et d’avoir des centaines de milliers d’abonnés comme Squeezie ou Cyprien, à moins d’avoir la formule magique (que je n’ai pas !). C’est un long chemin pendant lequel il ne faut pas oublier qu’on est ici pour partager notre amour pour ce répertoire classique et qu’il ne faut pas compter sur les algorithmes de YouTube pour nous donner un coup de pouce.
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Quel a été le déclic pour tenter l’aventure de manière professionnelle ?
C’est un alignement de planètes. J’avais fait le tour de la question dans mon précédent domaine professionnel et des choix familiaux m’ont amené à changer de région. Étant au même moment de plus en plus sollicité par diverses institutions, j’ai décidé de plaquer mon poste CDI pour ouvrir mon auto-entreprise.
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Tu viens d’une sphère étrangère aux institutions musicales, comment ont-elles appréhender cela ?
Il y avait un peu de méfiance au début quand j’ai débarqué et que je démarchais moi-même les institutions pour des collaborations ou pour avoir accès à certains lieux, expositions, etc. Puis avec le temps, mon influence augmentant sur YouTube et voyant que mon travail était sérieux et avec une certaine exigence sur le fond comme la forme, la tendance s’est inversée et ce sont les institutions qui ont commencé à me contacter. Une fois que l’on travaille bien avec une, qui a fait le pari de communiquer avec nous, les autres emboîtent le pas.
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Peux-tu nous raconter ton expérience d’entrepreneur, ton quotidien ?
Chaque matin je m’occupe de répondre aux mails de potentiels clients ou partenaires, mais aussi ceux des abonnés à la chaîne. Je gère mon agenda, l’administratif. L’après-midi, j’avance sur les scripts de mes prochaines vidéos, fais des recherches, un peu de montage ou bien tourne les vidéos que je peux faire depuis chez moi ou bien je prépare mes prochains déplacements. Il n’y a pas vraiment d’horaires. La journée commence souvent vers 9h ou 10h, et parfois jusqu’à 2h du matin, mais je vais toujours à mon rythme. Il faut savoir faire des pauses de temps en temps et ne pas perdre de vue le côté plaisir de la chose, sinon l’aventure n’a plus aucun intérêt.
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Quelles sont les difficultés que tu traverses ?
L’administratif n’est pas du tout ma tasse de thé…
Les moments les plus délicats avec mon nouveau statut, c’est quand une institution me contacte et que je sens clairement que c’est pour obtenir uniquement un moyen de communiquer et faire sa promotion auprès de mon public, et souvent, en espérant le faire gratuitement.
Le problème, c’est que pour chaque projet, j’exige un aspect pédagogique et que les spectateurs y trouvent un intérêt, sinon de quoi aurais-je l’air ? Permettre à des institutions de se mettre en avant, c’est toujours avec plaisir, mais à condition qu’il y ait un fond intéressant. J’essaie d’être le plus diplomate possible, mais parfois je reçois des mails hallucinants voire vexants. Et ce ne sont pas toujours (rarement) les plus “petites” institutions qui rechignent à comprendre qu’on n’est pas un panneau publicitaire et que le gratuit n’existe pas, à moins qu’elles aient un projet qui me tient à coeur et que je les contacte moi-même. C’est difficile parfois de devoir dire non à de grosses machines, de peur de se griller pour l’avenir. En même temps, si ces structures faisaient appel à des sociétés de production, elles devraient payer bien plus cher. J’ai du mal à comprendre la démarche et ce côté un peu hypocrite. C’est un peu absurde et dommage pour tout le monde.
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Quels sont les éléments motivants qui te poussent à tout donner ?
Quand on me propose un projet excitant, une rencontre avec un artiste que j’admire, un voyage pour découvrir des lieux mythiques et pouvoir partager tout ça avec mon public, partager mon admiration, la chance que j’ai parfois et toujours rendre la musique classique plus accessible, apporter ma contribution à son développement, sa propagation, c’est très motivant, et c’est comme ça au quotidien !
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De manière générale, quels sont d’après toi les grands challenges de la musique classiques dans les prochaines années ?
La musique classique est en plein rajeunissement en ce moment. Rajeunissement de sa méthode, sa pédagogie, son interprétation, son public. Réussir à faire venir de nouveaux publics dans les salles, se développer toujours plus sur les réseaux et se rendre plus accessible, c’est un combat que certains mènent depuis plusieurs années. Il y a des artistes et des institutions qui se démènent chaque jour pour cela et on commence déjà à en voir les résultats. Chaque fois qu’un événement se déroule en public, tout le monde s’arrête et apprécie le spectacle. Comment convertir ces minutes d’intérêt soudain en réelle passion ? C’est la grande question. En étant présent régulièrement et en répétant ces efforts, je suis convaincu que cela finira par fonctionner sur le long terme. Il faut aussi pour cela que les gouvernements jouent le jeu et continuent d’investir dans le culture. On risque gros à toujours couper les subventions. Le problème aujourd'hui, c’est que la musique classique est présente uniquement (du moins majoritairement) dans les villes. Il faut qu’elle puisse aller au delà. Il faut que la musique classique sorte des villes ! Mais je vois de plus en plus d’associations et d’institutions qui font des efforts en ce sens, j’ai donc envie d’y croire. On joue aujourd’hui encore des pièces qui ont plus 300 ou 400 ans, je ne vois pas pourquoi cela s’arrêterait soudainement
Merci Guillaume pour ton témoignage !
Allez vite visiter sa chaine Youtube Révisons nos Classiques.
Cette interview du Lareseau comme les prochaines sera suivie de discussions avec les membres du Lareseau.
Discussions avec Guillaume Benoit
Vous souhaitez en savoir plus sur l'activité de Guillaume Benoit ? Venez lui poser vos questions et discuter avec luimercredi 1er août à 20h
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